lundi 21 décembre 2009

La révolte et j'étais une bille au football...

J’en avais marre du quotidien, des petites journées, des nuits à tourner dans des cages, de Paris sans surprises, sans rencontres, sans la magie du hasard, sans regards, ni paroles d’inconnus. Si : les regards existaient encore un peu. Ils devenaient de plus en plus muets, impuissants, cadenassés dans la prison que chacun parvenait à se constituer, incapables de façonner une ville vibrionnante : le bourdonnement n’avait même pas le coffre d’un vol de moustique.
Les années 90 découvraient ce que cachait la fête des années 80 : une sérieuse remise au pas par le pouvoir de l’argent. Les années 2000 vivent la petite musique des « ménages » comme disent nos grands-mères, les petits couples tout heureux d’avoir acheté des meubles ethniques et celles des nouvelles contestations qui auraient sérieusement besoin de passerelles pour mettre en réel danger un ordre effrayant par sa capacité de récupération, de mutation, de corruption et d’arrogance.
Et moi dans tout ça, j’étais une bille en football. Ca remonte à loin. La télé était en noir et blanc, les matches étaient regardés en famille. Mon père trépignait sur son fauteuil. Il gueulait d’un « Allez les gars ! » violent, réprobateur et tripal, qui me dégoûtait franchement car il sentait la complicité ou l’amitié virile où il se permettait de gueuler avec hargne sur les joueurs. C’était un univers qui excluait. Soit t’étais dans son monde, soit tu étais une merde. Au final, c’est moi qui le considérais comme une merde, et les joueurs, les commentateurs, les amateurs allaient injustement avec. Seule ma mère se raccrochait au match en commentant abondamment le physique des arbitres. Et j’étais le ballon !
J’allais au stade Marcel Saupin au bord de la Loire à Nantes. Nous respirions le brouillard et aspirions des lumières que je n’avais jamais vues aussi puissantes. J’admirais le physique des joueurs et pestais contre la logique du jeu. Basketteur, j’aimais qu’on mette des paniers tout le temps. Là avec le foot, c’était un, deux, voire trois buts en une heure et demi : c’était chiant. Le jeu était sans cesse entrecoupé. Soit ils faisaient des fautes, de mauvaises passes ou ils étaient hors jeu. Quand ils marquaient un but, ça allait tellement vite _ ça pouvait arriver à un moment où on était plus ou moins assoupi_ qu’on l’avait loupé. Bref, ça faisait beaucoup de frustrations, sans compter celles qu’inspirait la beauté des joueurs, intouchable. Moi, je crois que je me forçais à y aller pour faire plus garçon car côté genre, je me suis toujours senti indéterminé, ou plutôt portant en moi les deux sexes. C’était quasi quotidien qu’on me prenne pour une fille dans les magasins, dans la rue, au collège…

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