Lettre d’hôpital écrite au Joueur
J’aimerais prendre le thé à Bagdad et Kaboul libéré de Ben Laden et de ses réseaux, tous ses réseaux maléfiques. Et puis faire un grand tour à Jérusalem, y rester le temps qu’il faudra, puis Damas libéré, Aman libéré, Beyrouth libéré, Le Caire libéré.
Du thé et de la poésie.
Tous les écrits.
Le recueillement et la joie
La prière : le frottement de nos corps.
Toucher, toucher, toucher
Danser
Car Jérusalem sera un lieu de réconciliation et d’harmonie la plus subtile qu’elle déchirera l’âme de tout homme ou femme ayant le cœur sensible des Vainqueurs.
Il en sera ainsi dans toutes les villes et campagnes du monde, elles aussi libérées.
J’imagine nos deux visages (surtout le tien car pour le mien c’est encore un peu flou). C’est pour l’instant une souffrance de deviner le plaisir d’être transformé tout en ignorant la date et l’heure de l’instant T. Cette attente me fait penser aux prises d’otages lorsque ces derniers ne connaissent pas le moment de leur libération (éprouvant, non ? Ne t’en souviens-tu pas ?).
Cette attente fait douter, jamais regretter, mais douter.
Un jour de plus : on n’en meurt pas et beaucoup aussi. Surtout quand on apprend que famille, amis ne sont plus ce qu’ils étaient. On passe d’un asile à l’autre. Comme un immigré débarquant à Marseille. Quelque chose de froissé et la certitude d’une vie nouvelle. Sauf que moi, je n’ai pas toujours foulé les pavés du quai de la Joliette. Le bateau est en quarantaine sur la rade.
Je me gratte les couilles comme si j’avais des puces. Et j’écoute des paroles qui se contrarient, moi qui avec toi vivrait le jeu, la suppression des contres-temps.
Moi je veux trouver et sentir le con qui est en moi.
Tue-moi s’il faut attendre si longtemps ici.
Je sais que ce serait une catastrophe pour moi et pour toi.
Tu sais qu’ici, je suis à demi-vivant, sans parole comme un muet bavard.
Je t’imagine pourtant dans tes désirs les plus ardents.
J’imagine
J’imagine
Toujours j’imagine
Et ça devient un travail harassant, désarmant pour qui prend conscience heure après heure d’une infinie solitude.
Je ne t’ai ébloui qu’à moitié par mon travail.
Tu as commencé à m’éblouir au football.
Et alors ?
Deux rayons qui s’ignorent aussi longtemps tout en se connaissant si intimement.
Tu es peut-être derrière ce signal d’évacuation d’incendie sous un escalier dans cette cour d’hôpital.
M’étonnerait.
Sentiment qui ressemblerait à de la haine et qui n’en est pas, sorte d’amour, je m’habitue à dire mon amour, moi qui ne l’ai presque jamais prononcé de toute ma vie, moi qui t’écris au milieu des bagarres, des disputes, des vomis, de la merde par terre, des cris, des râlements, des menaces, des éclairs de violence, donc je sais ce que c’est la vraie haine, moi qui n’en ai que pour les cerveaux des systèmes totalitaires. Le temps passe.
J’imagine déjà le gobelet de Tranxène et l’écroulement, l’anéantissement dans un mini-lit alors que nous pourrions réveiller les morts et les amis, couvrir la planète d’émeraudes et de nos kaléïdoscopes sensuels sensoriels et toucher l’humanité en tous ses points de lignes de traverses et de contacts avec les énergies minérales, végétales, aquatiques et animales et animées par nos doux esprits échauffés, par les conjugaisons infinies, des frottements délicats en poils de chat : caresses pharaoniques et toutes les autres de tous les temps, échanges de paroles qui seraient notre or.
Mais tu ne viendras pas aujourd’hui.
Je n’ai pas de codes, pas de clés pour partir et te retrouver.
Le jeu est entre tes mains, entre les miennes.
Et tu décides souverain comme moi.
Je ne crois plus au suspense à cette heure.
A moins que…
La Légion débarque. Non, je déconne et je ne déconne pas.
Avec feux de bengale, pétards et confettis.
Mais l’heure de la distribution des médicaments approche : et rien.
Une neige fondante sous des sièges vides qui rappellent que les aiguilles tournent et tournent à l’intérieur de mon ventre qui ne demande qu’à te ressentir et vivre enfin dans ce monde.
On pourrait lire ensemble tout ce que j’ai écrit depuis juin, le début du chemin qui mène et nous ramène à toi, nous qui n’avons jamais été séparés.
Je pourrais continuer après m’être imprégné de la chaleur et du rayonnement de tes pieds et de tout, immense.
Restent les malades qui marchent et je me dis : « Ca marche ». Leur pas, plus ou moins rapides, sont assurés.
J’ai dans ma poche un mégot que Marcellin a délicatement posé sur mon paquet de Royales Anis : un mégot, un filtre, un philtre d’amour, celui qui me donnera des enfants, mon vœu le plus cher.
Je t’aime.
mercredi 10 mars 2010
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