vendredi 29 janvier 2010

Le chat et la souiris s'aiment

J’aime quand les joueurs sont à l’avant, distribuent facilement. On dirait des chats qui jouent avec une souris, une souris ronde, luisante, tournant sur elle-même et jouant des tours aux chats. Parfois elle obéit bien, elle ne mourra jamais, c’est la reine des chats.
Quand elle est un peu étourdie, qu’elle se laisse plus facilement faire, elle offre aux chats des dépassements et des surprises qui laissent pantois.
Il n’y a rien de plus beau à voir que ces chats face aux défenseurs qui protègent ardemment leur zone. Ils distribuent mais le jeu semble bloqué. Et puis, une étincelle. Un Gourcuff arrive à entrer dans un espace bouché par quatre joueurs. La souris s’accroche bien à la chaussure du libero et celle-ci sait la happer, lui parler, l’exciter, la sentir, lui donner parfois des petites tapes, parfois de simples touches, parfois des caresses et s’adapter à ses tourments d’être aussi follement embarquée.
Ils forment le tandem des aventuriers solitaires dans un film de cascades où l’ennemi est mille fois donné gagnant. Objectivement, cela semble impossible de franchir ce donjon de muscles et de colères. Mais le chat et la souris semblent avoir l’habitude de leurs audaces, de la sophistication de leur dialogue pour tenter de vivre comme ils ont toujours rêvé de vivre ensemble. Ils veulent peindre une calligraphie tout en combattant, tout en dansant, tout en touchant à la folie du don.
C’est peut-être un des secrets de leur dynamique, que ça aille vite, que l’on suive à peine chaque mouvement commençant, chaque mouvement finissant, qu’il n’y ait qu’une lumière qui forme un geste-mot, l’incarnation de la victoire sur l’ennemi : la dynamique de l’enchainement. Et c’est écrit ! Et pourtant c’est de l’improbable, presque de l’illusion, de l’utopie. Le chat et la souris exécutent ce qui n’est pas pensable, ce qui est au-delà de toute limite, de toute raison, de la possibilité physique. Mais c’est réel ! Il y a quelque chose de révolutionnaire européen, de sage asiatique et de danseur brésilien dans le football. (On fera les autres continents après !).
Il y a comme trois ou trente ordinateurs dans ce duo. Le joueur a évidemment la vision du chat. La souris a sa queue qui traîne par là et qui peut affirmer quelle ne serve pas de gouvernail, de corde à l’arc et de téléscope aussi ras de la pelouse et des chaussettes qu’elle s’en se bouche les narines au bout d’une heure et demie de match ca r la souris est une petite coquine, gourmande, casse-cou (casse et vide burnes) mais précieuse ? La souris a ses facettes, ça se voit bien quand on examine un ballon. Du moment qu’elle soit ronde, gironde (et depuis deux ans très girondine), facile, farouche, irascible, susceptible, bonne fille, rusée, ondoyante, ondulante, trompeuse, colérique, lunatique et déroutante, baroque et fantasque, imprévisible, voire bien pénible, inouïe et tutoie l’extraordinaire, le bipolaire entre douceur et boulet de canon et offre des lignes de trajectoires aussi multiples que le cosmos semble infini.
Reprenons l’exemple de Gourcuff. La souris ne lui offre-t-il pas ses petits yeux et ses radars ? Il ne suffit pas d’avoir accompli cette première aventure épique de dribbler quatre joueurs. La souris s’arrêterait bien là trop contente d’elle-même et d’être avec « Yeux verts », sentimentale des fois qu’elle est, sensible aux petits coups de pompe au point de désirer ardemment se prendre un petit quelque chose pour se remonter, que la voilà déjà ailleurs. Et quel ailleurs ! Pile poil sur la tête ou le pied d’un joueur. En une ou deux secondes. Il n’y a pas à dire : après un premier exploit, cela semble impossible de combiner ce deuxième éclat qui donne tout à penser que la souris est une concubine, sentimentale certes, mais qui ne désire rien de moins que de changer de concubin. Un chat appelle un chat. Et la souris ne sait rien de moins que de renifler son odeur pour tomber pile poil dessus et marquer le but.
C’est ce qui s’appelle la classe et le mystère. Comment une telle coordination peut-elle se faire quand les chats ressemblent à des formule1, la souris donne tellement envie à son partenaire de poursuivre en solo l’aventure alors que la réussite et la délivrance ne passent que par un changement de partenaire ? Et que dire quand en quelques secondes, la souris s’explose à rebondir entre quatre chats à quelques mètres du but et que l’indécision plane, la combinaison n’appartient qu’à elle-même, le royaume félin auréole de tout son lustre ces quatre soldats, toujours prêts à jouer au chat et à la souris avant que celle-ci ne choisisse son élu en s’amusant tellement qu’elle fait durer le plaisir de la passe, seule parmi ces prédateurs qui se couchent devant elle en amateurs et lui offrent les montagnes russes, l’adulation, l’adoration, enfin le repos, et le but du jeu, la condition sine qua non pour qu’elle exerce son charme et occupe sa place de choix parmi ces chats qui n’ont jamais eu l’idée de la bouffer : couples et échangisme d’enfer. Sauf que bien souvent, on est au paradis.

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