lundi 1 février 2010

La prédiction de Tombouctou 1

A deux-cents kilomètres au Nord de Tombouctou, Aïda pousse, pousse et croit mourir. Sous la tente, sa mère essaie de ne pas s’affoler, masse le ventre de la jeune femme, regarde entre ses jambes, la supplie : « Plus fort, plus fort ma fille ». Ahmed fume cigarette sur cigarette dans le désert. Il récupère un jerrican d’eau du flanc de la chamelle et l’offre aux deux femmes. Il est happé par le spectacle. Les larmes lui montent aux yeux. La tête du bébé sort. Il a les yeux fermés, il est tout peloté, couvert de sang et d’excréments. Bientôt, un cri, des pleurs. Aïda le prend dans ses bras, le repose sur son ventre. Ahmed et sa belle mère le lavent tout de suite. Le bébé, Hassan, pleure encore, puis ouvre de grands yeux, écoute la voix de son papa et de sa maman, attentif, captif. Il gigote, il gazouille, il bouge ses prunelles, il sourit, il séduit. Hassan est resplendissant.
Il est six heures du matin. La famille entend des gouttes tomber sur la tente. Le bruit se fait de plus en plus saccadé et puissant. Ahmed sort et dispose des bassines. Il constate que l’eau est tiède. Des nuages plus noirs couvrent le ciel. En trois minutes, il voit la neige tomber. Elle est douce, recouvre le désert d’une nuée blanche qui fond immédiatement dans le sable et les crevasses. Il fait chaud malgré tout. La pluie prend le relais. Puis la neige.
- Venez voir comme c’est beau.
Puis la pluie encore. Les chameaux tirent la langue. Les bassines sont déjà remplies. Et Hassan a son premier bain complet. Les toiles de la tente ont changé de couleur. Elles sont presque translucides et diffusent des couleurs moirées orange et parme sur les visages d’Aïda et des siens. Hassan tête le sein de sa mère en poussant des ronronnements de bien être. Des gouttes perlent sur son petit menton.
La tente a changé de dimension. Elle a quasiment décuplée. Elle se met à trembler. Les sacs de transhumance aussi. Ils ressemblent désormais à des scarabées qui s’ouvriraient le ventre. Ils deviennent énormes, grossissent à vue d’œil et s’immobilisent quand ils deviennent d’énormes coquilles qui sont en réalité de nouveaux lits pour Aïda et son mari, pour la vieille femme et un joli berceau pour le bébé. Après un moment de stupeur, la famille touareg éclate de rire. Aïda prend son bébé et se couche dans le lit. Ahmed les rejoint. Ils sont surpris de voir les draps en soie. Et leurs pieds sont gênés par des objets lourds et froids. Ils les retirent du fond du lit et deviennent ébahis : dix lingots d’or là. Des morceaux d’argent, un sac satiné contient au moins une quinzaine de diamants, un autre d’émeraudes, de jades et autres pierres qu’ils ne connaissent pas.
Il y a aussi un téléphone portable avec une liste des frères et des cousins émigrés à l’étranger. Une radio se met à diffuser les musiques d’Ali Farka Touré et de Salif Keïta dont le dernier morceau « La vie c’est la paix ». D’un autre sac, sort une marmite au fumet d’un ragoût appétissant, une autre pleine semoule et de riz, une autre de pâtisseries et de fruits frais. Une odeur d’encens se répand. On entend la pluie continuer de tomber.
Affamée, la famille se met à manger.
- Qu’est-ce qu’on va faire de tout cet or ? rit Ahmed.
Les autres rient aussi. Cela semble fou. D’un autre sac s’écoulent toutes les épices du monde. D’un autre, d’innombrables fioles de parfums. Le petit Hassan, au ventre rebondi, sourit dans les bras de sa mère. Au dessus de lui, des tâches dorées envahissent la toile de la tente. Le métal précieux se met à couler et forme de gros pâtés sur le sable. Tout le monde est hilare.
- Quand tout cet or va-t-il s’arrêter ?
Ahmed et Aïda sortent. Ils tombent à la renverse. Le désert n’est plus le désert mais une succession de prairies vertes, de rivières, de bosquets d’arbres et plus loin cela semble être de la forêt épaisse. A côté d’eux, un troupeau de buffles, de moutons, de chèvres se sont joints aux chameaux qui sont devenus plus nombreux. La chaleur a fait place à la douceur. Et Aïda ne résiste pas à la tentation de se baigner dans la rivière bordée de fleurs. L’eau est claire et chaude. Elle y voit des poissons multicolores. Des éléphants arrivent, totalement pacifiques, accompagnés de zèbres et de gazelles.

A deux-cents kilomètres au Nord de Tombouctou, Aïda pousse, pousse et croit mourir. Sous la tente, sa mère essaie de ne pas s’affoler, masse le ventre de la jeune femme, regarde entre ses jambes, la supplie : « Plus fort, plus fort ma fille ». Ahmed fume cigarette sur cigarette dans le désert. Il récupère un jerrican d’eau du flanc de la chamelle et l’offre aux deux femmes. Il est happé par le spectacle. Les larmes lui montent aux yeux. La tête du bébé sort. Il a les yeux fermés, il est tout peloté, couvert de sang et d’excréments. Bientôt, un cri, des pleurs. Aïda le prend dans ses bras, le repose sur son ventre. Ahmed et sa belle mère le lavent tout de suite. Le bébé, Hassan, pleure encore, puis ouvre de grands yeux, écoute la voix de son papa et de sa maman, attentif, captif. Il gigote, il gazouille, il bouge ses prunelles, il sourit, il séduit. Hassan est resplendissant.
Il est six heures du matin. La famille entend des gouttes tomber sur la tente. Le bruit se fait de plus en plus saccadé et puissant. Ahmed sort et dispose des bassines. Il constate que l’eau est tiède. Des nuages plus noirs couvrent le ciel. En trois minutes, il voit la neige tomber. Elle est douce, recouvre le désert d’une nuée blanche qui fond immédiatement dans le sable et les crevasses. Il fait chaud malgré tout. La pluie prend le relais. Puis la neige.
- Venez voir comme c’est beau.
Puis la pluie encore. Les chameaux tirent la langue. Les bassines sont déjà remplies. Et Hassan a son premier bain complet. Les toiles de la tente ont changé de couleur. Elles sont presque translucides et diffusent des couleurs moirées orange et parme sur les visages d’Aïda et des siens. Hassan tête le sein de sa mère en poussant des ronronnements de bien être. Des gouttes perlent sur son petit menton.
La tente a changé de dimension. Elle a quasiment décuplée. Elle se met à trembler. Les sacs de transhumance aussi. Ils ressemblent désormais à des scarabées qui s’ouvriraient le ventre. Ils deviennent énormes, grossissent à vue d’œil et s’immobilisent quand ils deviennent d’énormes coquilles qui sont en réalité de nouveaux lits pour Aïda et son mari, pour la vieille femme et un joli berceau pour le bébé. Après un moment de stupeur, la famille touareg éclate de rire. Aïda prend son bébé et se couche dans le lit. Ahmed les rejoint. Ils sont surpris de voir les draps en soie. Et leurs pieds sont gênés par des objets lourds et froids. Ils les retirent du fond du lit et deviennent ébahis : dix lingots d’or là. Des morceaux d’argent, un sac satiné contient au moins une quinzaine de diamants, un autre d’émeraudes, de jades et autres pierres qu’ils ne connaissent pas.
Il y a aussi un téléphone portable avec une liste des frères et des cousins émigrés à l’étranger. Une radio se met à diffuser les musiques d’Ali Farka Touré et de Salif Keïta dont le dernier morceau « La vie c’est la paix ». D’un autre sac, sort une marmite au fumet d’un ragoût appétissant, une autre pleine semoule et de riz, une autre de pâtisseries et de fruits frais. Une odeur d’encens se répand. On entend la pluie continuer de tomber.
Affamée, la famille se met à manger.
- Qu’est-ce qu’on va faire de tout cet or ? rit Ahmed.
Les autres rient aussi. Cela semble fou. D’un autre sac s’écoulent toutes les épices du monde. D’un autre, d’innombrables fioles de parfums. Le petit Hassan, au ventre rebondi, sourit dans les bras de sa mère. Au dessus de lui, des tâches dorées envahissent la toile de la tente. Le métal précieux se met à couler et forme de gros pâtés sur le sable. Tout le monde est hilare.
- Quand tout cet or va-t-il s’arrêter ?
Ahmed et Aïda sortent. Ils tombent à la renverse. Le désert n’est plus le désert mais une succession de prairies vertes, de rivières, de bosquets d’arbres et plus loin cela semble être de la forêt épaisse. A côté d’eux, un troupeau de buffles, de moutons, de chèvres se sont joints aux chameaux qui sont devenus plus nombreux. La chaleur a fait place à la douceur. Et Aïda ne résiste pas à la tentation de se baigner dans la rivière bordée de fleurs. L’eau est claire et chaude. Elle y voit des poissons multicolores. Des éléphants arrivent, totalement pacifiques, accompagnés de zèbres et de gazelles.

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